biodiversité et santé

une longue histoire

La biodiversité est à la base de différentes médecines dans le monde. De grandes découvertes dans les domaines des sciences médicales et de la pharmacologie sont issues de recherches sur la diversité des micro-organismes, de la flore et de la faune.

Le domaine de la santé contemporaine est héritière de la vision hygiéniste qui, découlant des épidémies du XIXème siècle, change radicalement les pratiques par l’introduction de produits stérilisants. Peu à peu, cette dimension a construit dans l’imaginaire collectif, l’image d’une nature impropre, véhiculant des maladies et infections, qu’il faut combattre par des produits chimiques.

Préambule

La biodiversité est indispensable à la vie sur terre, à la santé et au bien-être. Les bénéfices qu’elle apporte ont été formalisés par la notion de services écosystémiques, souvent restreints à une utilité pour l’humain, caractéristique d’une approche anthropocentrée et d’une vision utilitariste. Rappelons que tous les êtres vivants en bénéficient. Quelques liens pour en savoir +.

> la biodiversité,

c’est la vie !

> les services rendus

par la nature

> les 5 pressions

sur la biodiversité

> sommaire

biodiversité et santé

> sommaire

nature et santé

A l’origine,

les plantes médicinales

La découverte des bienfaits des plantes sur la santé remonte à environ 3 000 ans av J.C.. Les plus anciennes connues à ce jour ont été établies par les Chinois. Ont été retrouvés également des écrits dans les civilisations indienne et égyptienne.

En Grèce antique, Hippocrate réalise les premières observations scientifiques des effets des plantes. Pour plus de 200 d’entre elles, il intègre la notion de dosage et apporte une différenciation entre un usage externe et un usage interne. Quelques siècles plus tard, Dioscoride d’Anazarba, médecin, décrit près de 600 espèces en précisant les vertus thérapeutiques.

Au fil des siècles suivants, elles ont pris place dans des jardins botaniques. En France, le premier jardin de plantes médicinales a été créé en 1593, à Montpellier, à la demande Henri IV dans une volonté de développer « la santé par les plantes ». Au début du 17e siècle, le Jardin des Plantes de Montpellier est non seulement un jardin scientifique, avec son importante collection de végétaux mais est aussi considéré comme un jardin précurseur dans sa manière d’appréhender la diversité du monde végétal.

Historique des liens entre

environnement naturel, santé et médecine.

Hippocrate (460 – 377 av JC) s’est fortement appuyé sur la nature pour anticiper et connaitre les maladies de ses patients et s’assurer de leur bonne santé. Il a su le premier s’apercevoir de ses bienfaits ou impacts, et prendre en considération l’environnement de vie dans ses diagnostics : qualité de l’air, de l’eau mais également qualité de l’alimentation (« que l’aliment soit ton premier médicament »). Avant ses consultations, il avait pour habitude de se mettre au point le plus haut de la ville pour y observer les éléments naturels. Son Traité « Des airs, des eaux, des lieux » recense l’ensemble de ses pensées. Ces réflexions sont les prémices des notions actuelles de « médecine holistique » et de « santé environnementale ».

« Hippocrate, dont les ouvrages ont le sceau de l’immortalité, est du nombre de ces génies rares qui ont embrassé la Nature dans tout son ensemble, et qui en ont sondé les profondeurs […] Il rassembla soigneusement, lia, par une chaine de principes féconds, tous les faits indépendants des opinions, qui, se trouvant fondés sur l’expérience et la Nature, sont devenus irrévocablement la base de l’Art de guérir. »

Source : Introduction Version littérale du grec par M Magnan, médecin du Roi (1767).

Plus tard, Vitruve (80 av JC – 15 av JC), ingénieur/architecte, a dit dans le cadre de la construction d’habitats, de villes :

« Tous les corps sont composés de principes que les Grecs appellent éléments qui sont le feu, l‘eau, la terre et l’air. » […] « je suis fortement d’avis qu’il faut en revenir aux moyens qu’employaient nos ancêtres. On mettait à mort les animaux qui paissaient dans les lieux où l’on voulait fonder une ville : on examinait les foies ; si les premiers étaient livides et corrompus, on en examinait d’autres, dans la crainte d’attribuer plutôt à la qualité de la pâture, qu’à une maladie, l’état de cet organe. Après plusieurs expériences, après avoir reconnu que cet organe était sain et régulier, grâce à la bonté des eaux et des pâturages du lieu, on y élevait des retranchements. Si, au contraire, on les trouvait corrompus, on allait s’établir ailleurs. On concluait de cette expérience, que l’eau et la nourriture devaient, dans ces mêmes lieux, occasionner chez les hommes les mêmes inconvénients. On changeait de demeure, et on allait dans une autre contrée chercher tout ce qui peut contribuer à la santé ».     Source : Vitruve, De architectura, livre 1.

Pour les antiques, il y a une forte analogie entre l’humain et l’animal et à un moindre degré la plante, liée aux 4 éléments de l’univers.

C’est durant la Renaissance que ces théories ont connu leur maximum de développement, notamment par voie de littérature. Ambroise Paré, chirurgien du 16ème siècle décrit parfaitement dans ses œuvres les relations entre les éléments et les tempéraments. Les 4 éléments se complètent et s’opposent. Dans le domaine de la médecine, cela a donné naissance aux « humeurs ». L’équilibre de ces 4 éléments définit les tempéraments. Le déséquilibre entraine la maladie. Pour y remédier, la saignée est une des possibilités ainsi que l’administration de médicament. Ces substances sont essentiellement trouvées dans les plantes.

Durant cette période, la religion chrétienne place l’humain créé par Dieu avec un statut particulier.

Source : Colloque « Une seule planète, une seule santé » oct. 2020, intervention de Professeur Christophe Degueurce, Directeur de l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort

En France comme dans la majeure partie de l’Occident, le rapport au vivant est fortement imprégné de l’héritage judéo-chrétien et des idées émancipatrices du siècle des Lumières (XVIIIe). Bien que porteur de dynamiques complexes et parfois contradictoires, cet héritage a, dans l’ensemble, promu une vision du progrès de l’humain comme un éloignement, un arrachement de la nature et donc une mise à distance entre l’être humain et son environnement. La dichotomie entre nature et humains s’est solidement ancrée dans les représentations en structurant une série d’opposition entre corps et esprit, sauvage et domestique, sciences naturelles et sciences humaines, etc.

La Révolution industrielle (XIXème) basée sur de nouvelles sources d’énergies, de matières et des innovations technologiques transforme la société, l’économie et l’environnement. L’augmentation des productions permet alors de subvenir aux besoins d’une population toujours croissante. La population rurale migre vers les villes. Cette période renforce l’éloignement physique et intellectuel avec la nature.

Dans le monde de la santé, la vision hygiéniste s’est imposée au cours du XIXème siècle en traitant efficacement de nombreuses épidémies par le recours aux vaccins et aux produits stérilisants notamment. Peu à peu, cette approche a construit dans l’imaginaire collectif l’image d’une nature impropre, véhiculant des maladies et infections, qu’il faut combattre par des produits élaborés par la science. Sans nier les progrès induits par ces pratiques, il convient de rappeler que l’allongement de l’espérance de vie a d’abord résulté de diverses actions sur les milieux de vie (constructions en pierre, réseaux d’évacuation des eaux usées…) et les pratiques de production (chaine du froid dans l’alimentaire…).

Si les innovations technologiques et les recherches scientifiques ont apporté des avantages considérables pour améliorer nos vies, l’augmentation de la population associée à l’augmentation de la production et productivité ont aussi apporté des conséquences négatives ; et nous rappelle le besoin de précaution et d’anticipation. Aujourd’hui, force est de constater une dégradation et même un effondrement de la biodiversité. Le changement climatique, les pollutions diverses ou le morcellement des habitats naturels et la surexploitation des ressources mettent en péril le devenir de nombreuses espèces. Parmi elles, l’espèce humaine ne fait pas exception. Les plaisirs éphémères trouvées dans cette société de consommation doit laisser sa place à un monde dans lequel un bonheur durable pourra se retrouver au contact de la nature. La notion de biophilie rappelle que la place de l’humain est d’évoluer au contact de la nature ; une nouvelle philosophie de vie.

Ceci souligne la nécessité pour l’humain de se réinscrire dans la biodiversité et de vivre en harmonie avec le vivant. afin que sa santé ne soit plus appréhendée indépendamment de celle de la planète dans son ensemble.

JF Denize, (biodiversanté) Loïs Giraud, (Chargé de projet Soins nature et patrimoine à la chaire de philosophie à l’hopital et directeur de la mission Une seule santé / santé globale à la Ville de Marseille).

 

Historique des liens ENTRE

médecine humaine et médecine animale

A l’occasion du Colloque « Une seule planète, une seule santé » oct. 2020, le Professeur Christophe Degueurce, Directeur de l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, dresse une synthèse des liens entre santé animale et santé humaine au fil de l’histoire de la médecine :

1543. Les animaux prêtent leurs corps pour servir de réflexion sur la santé des humains.

18e siècle. René Croissant de Garengeot dans son Traité de Miotomie humaine et canine, à l’époque du développement de la chirurgie, recommande de s’appuyer sur des expérimentations sur les chiens en vue de soigner les humains. Les Traités confirment l’unicité de la conception des mammifères dont l’humain. Claude Bourgelat, fondateur des sciences vétérinaires, rappelle l’analogie constante entre le corps des animaux et des humains.

Les vétérinaires soignent les animaux mais également les humains, notamment dans les campagnes françaises.

1820. création de l’Académie Royale de médecine dans laquelle la perméabilité entre le soin des animaux et la santé des humains est clairement établie. « Cette académie sera spécialement instituée pour répondre aux demandes du gouvernement sur tout ce qui intéresse la santé publique, et principalement sur les épidémies, les maladies particulières à certains pays, les épizooties, les différents cas de médecine légale, la propagation de la vaccine, l’examen des remèdes nouveaux et des remèdes secrets, tant internes qu’externes, les eaux minérales naturelles ou factices, etc. ». Ordonnance de 1820. A partir de là, médecins et vétérinaires vont se côtoyer dans une notion d’interdisciplinarités, qui pourrait être présenté comme une approche “One Health”.

Au 20e siècle, cette approche interdisciplinaire s’est diluée pour diverses raisons :

  • Essor de la médecine, et l’impression que la vaccination et l’apparition des antibiotiques allaient permettre de se débarrasser à jamais des maladies infectieuses.
  • Atomisation et spécialisation des savoirs, baisse d’une vision holistique

Au 21e siècle, l’humain se rappelle de l’interdépendance des santés humaines, animales et végétales aboutissant au concept « One Health ».

Histoire des jardins

dans les établissements de santé

Tout au long de son histoire, dans différentes civilisations, l’Hôpital a été accompagné par des jardins.

Au 8e siècle, la Perse installe dans ses bîmâristâns (hôpitaux) les premiers jardins dédiés aux plantes médicinales.

Au Moyen Âge, en Occident, c’est l’Église qui prend en charge malades et indigents. Les hospices et les asiles développent alors des jardins de « simples » (horti medici) pour produire plantes médicinales, fruits et légumes. Ces espaces sont pensés comme des endroits où l’activité de jardinage permet du lien social et recentre les croyants sur leur foi.

À partir du 16e siècle, la croissance démographique et les crises économiques entraînent une hausse de la mendicité dans les villes. Parallèlement, les lieux de soins s’institutionnalisent en hôpitaux généraux et prennent leur distance avec le pouvoir religieux. Les personnes accueillies ou retenues sont amenées à y travailler la terre. Cela permet de lutter contre la mendicité tout en produisant des ressources utiles à tous.

Au 19e siècle, les politiques hygiénistes aboutissent à repousser les hôpitaux aux périphéries des villes pour réduire les risques de contagion. Les étendues végétalisées y sont encouragées, plantées, maintenues ou créées, car perçues comme un critère de salubrité.

Si la fonction politico-économique du jardin est alors prédominante, l’activité de jardinage s’impose peu à peu comme un outil thérapeutique, en particulier pour les personnes atteintes de troubles mentaux. La psychiatrie apparaît ainsi comme pionnière dans le développement de jardins à visée thérapeutique, en particulier en Amérique du Nord.

De la fin de la Première Guerre mondiale aux années 1980, plusieurs facteurs se conjuguent pour faire reculer la place des jardins dans les hôpitaux occidentaux. L’étalement urbain réintègre progressivement les hôpitaux dans la ville et la pression foncière conduit à une optimisation de l’espace au détriment de ces espaces verts. Par ailleurs, l’industrialisation de l’agriculture et la baisse des coûts qu’elle engendre font perdre la raison d’être d’une activité maraîchère à des fins vivrières ou commerciales dans les hôpitaux. Enfin, les progrès de la médecine moderne ont pu aussi tendre à une approche curative misant davantage sur le recours à des nouvelles molécules que sur des pratiques préventives. À la même époque, au Japon, le ministère du Travail encourage les activités de jardinage pour lutter contre la dépendance qui frappe une population de plus en plus âgée.

À la fin du 20e siècle, les jardins semblent faire l’objet d’un regain d’intérêt. Dans les hôpitaux organisés sous une forme pavillonnaire, l’aménagement de jardins dans les interstices entre les unités de soin apparaît comme un moyen d’améliorer l’image de l’établissement et les conditions d’accueil des patients. Le modèle du jardin à visée thérapeutique dépasse peu à peu le champ de la psychiatrie et s’étend à d’autres publics : centres éducatifs, unités pour alcooliques et toxicomanes, enfants des quartiers défavorisés, personnes âgées…

Ces expérimentations bénéficient en outre d’un cadre institutionnel de plus en plus favorable, comme en témoignent la reconnaissance de l’hortithérapie comme thérapie non médicamenteuse dans le cadre du plan Alzheimer de 2008.

Source : ‘Réinventer les établissements de santé’, Loïs Giraud, (Chargé de projet Soins nature et patrimoine à la chaire de philosophie à l’hopital et directeur de la mission Une seule santé / santé globale à la Ville de Marseille).